Lire Malévitch

 

 

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Tout au long de sa vie, Malévitch n’a cessé d’écrire. Manifestes, articles se sont succédé. De 1920 à 1928, il s’arrête même de peindre pour se retirer, dit-il, « dans le domaine nouveau, pour moi, de la pensée ». Pourquoi ? C’est que « par le pinceau, il n’est pas possible d’obtenir ce que l’on peut obtenir par la plume ». Malévitch rédige alors son grand traité : Le Suprématisme. Le monde sans-objet ou le repos éternel. Ainsi Malévitch n’est pas seulement un peintre, c’est aussi un écrivain, un penseur ; il est donc essentiel de le lire si l’on veut accéder à la compréhension du « monde sans-objet », qui lui est apparu lors de la réalisation de son célèbre tableau Carré noir sur fond blanc.

Certes, ses écrits sont souvent considérés comme touffus, obscurs, voire incohérents.  Cet essai a pour but de montrer qu’en réalité ils révèlent une unité de sens et un ordre logique de la pensée, constitutifs d’une doctrine, le suprématisme. Nous proposerons avant tout une introduction à cette doctrine ; cela avec la plus grande prudence en raison de la puissance des écrits eux-mêmes. Grâce à une lecture interne, nous essaierons de faire apparaitre l’originalité́ de Malévitch qui n’est ni platonicien, ni nietzschéen, ni même heideggérien comme on a pu l’affirmer.

L’intérêt d’une telle introduction à la doctrine de Malévitch est naturellement d’ordre esthétique : elle apporte des clefs pour déchiffrer sa peinture suprématiste et « post-suprématiste ». Mais il y a un motif plus impérieux encore qui justifie ce travail de clarification doctrinale. C’est le fait que Malévitch nous propose une critique du monde moderne qui a succombé à la séduction de l’objet, notamment pratique ; un objet qui tend à devenir indigent, vide et ne fait que satisfaire notre « désir d’assouvissement » (le « principe animal »). L’abstraction au sens de Malévitch, relève donc d’une expérience artistique mais aussi spirituelle qui précisément nous libère de l’objet, nous fait entrer dans une « nouvelle réalité », le « monde blanc ». Ce qui est la condition pour « retrouver le fonds de l’homme, libéré de la bête ». Ainsi la doctrine suprématiste apparaît-elle comme une doctrine pour aujourd’hui.

 

Lire Malévitch chez Du Lérot (2023)